Deuxième rencontre - 2008, Sainte-Maure de Touraine

Article: Rôle du journal « La Chèvre  » depuis 50 ans

Jean-Claude Le Jaouen, ancien rédacteur en chef

En 2008 la revue La Chèvre fête son demi siècle d’existence au service des éleveurs de chèvre, et le numéro publié en mai-juin porte le numéro 286.

Ce cinquantième anniversaire, témoin d’une belle longévité, est donc l’occasion de retracer les grandes étapes de la vie de cette revue qui, en couverture,affirme être »La revue des éleveurs de chèvre » et de rappeler également son rôle, à la fois de témoin et d’acteur, ayant accompagné les mutations successives de la filière caprine au cours des cinq dernières décennies.

Seule revue professionnelle spécialisée en élevage caprin au niveau national La Chèvre reste aujourd’hui une revue de référence destinée prioritairement aux éleveurs caprins français. Avec 3600 abonnés payants,dont plus des 2/3 sont des éleveurs spécialisés (200 chèvres en moyenne),son rythme de publication est resté bimestriel depuis sa création(6 numéros par an).

Estimé à 40% (sur 5600 élevages de plus de 10 chèvres) son taux de pénétration est élevé, ainsi que son taux de fidélisation (75% des abonnés se réabonnent l’année suivante) ce qui témoigne à la fois de l’attachement des éleveurs à leur revue et de son efficacité comme support de diffusion.

Ceci implique en contrepartie une rigueur dans la politique éditoriale suivie et la nécessité d’adapter en permanence le contenu et la forme aux évolutions du secteur, tout en couvrant sa diversité.

Le contenu rédactionnel de la revue et placé sous la responsabilité de l’Institut de l’Elevage qui finance un poste de rédacteur en chef tandis que la société éditrice est la Société de Presse et d’ Edition Ovine et Caprine (SPEOC) dont les actionnaires sont l’Institut de l’ Elevage, la FNO et la FNEC. Depuis 1991 un partenariat a été conclu avec le groupe de presse agricole Réussir qui assure un ensemble de prestations rémunérées par la Speoc.

Soulignons enfin que la revue doit équilibrer son budget avec ses seules ressources provenant des abonnements (2/3) et de la publicité (1/3).

Aujourd’hui jeune cinquantenaire la revue possède déjà une longue histoire dans laquelle trois périodes principales peuvent être distinguées.

1958-1974 : Les débuts de la revue

Le premier numéro est en réalité le bulletin de liaison du Syndicat caprin de Touraine rédigé par Adolphe Fatoux, alors ingénieur de la Direction des Services Agricoles d’ Indre et Loire et passionné de la chèvre. Très liée au livre Généalogique Alpin la revue,dont le titre La Chèvre apparaît avec le n° 2 en mai 58, est surtout destinée aux éleveurs sélectionneurs et s’affiche comme »Bulletin intersyndical des éleveurs de chèvre ».

Elle comporte de nombreux articles sur les races, les concours et quelques articles plus techniques,parfois des traductions de revues anglo-saxonnes(Colette de Saint-Seine).

Tirée à 250 exemplaires au tout début, la revue voit son audience s’élargir progressivement aux départements voisins de la région Centre, puis de Bourgogne, du Sud-Est et du Poitou-Charente.

C’est l’époque où sont publiés les premiers grands articles fondés sur le plan scientifique avec pour thèmes : la reproduction (JM. Corteel 1968), le testage des boucs (J. Bouillon 1969), l’alimentation rationnelle des chèvres (P. Morand-Fehr, R.Disset 1969), la recherche agronomique en espèce caprine (G.Ricordeau 1970).

De 1970 à1974 se situe une période intermédiaire, avec les difficultés grandissantes que rencontre A. Fatoux pour gérer seul une revue qui dépasse alors1000 abonnés, cela sans support technique, juridique ou administratif. L’ITOVIC avec sa Section caprine ont été créé en1968 et la Fédération Nationale des Eleveurs de Chèvre se développe avec une cinquantaine de syndicats caprins départementaux.L’information dans la filière est devenue un enjeu important. En 1971, Emile Viguier, président de la FNEC, signe un premier éditorial syndical dans la revue suivi, la même année, par un second éditorial de J-C Le Jaouen, alors secrétaire général de la FNEC, sur les relations parfois conflictuelles entre syndicalisme et coopération.

Durant toute cette période, la revue va jouer un rôle important en tant que lien entre les éleveurs parfois isolés des différentes régions. Elle témoigne aussi des évolutions de l’élevage caprin vers une production sérieuse et rentable, quittant de ce fait son statut d’activité marginale à laquelle colle l’image péjorative de vache du pauvre.

1974-1993- la revue devient nationale

La reprise de la revue est étudiée par l’ITOVIC pour devenir effective fin1973.Les réflexions conduites avec les professionnels montrent qu’il est, en effet, stratégique pour la filière de disposer d’un outil de communication direct avec l’ensemble des éleveurs et que cet outil doit devenir national. La Société de Presse et d’Edition Ovine qui publie la revue Pâtre devient la SPEOC (Ovine et Caprine) avec pour actionnaires L’ITOVIC,la FNO et la FNEC,elle éditera désormais La Chèvre,la section caprine recrute une journaliste (Monique Bender-Vaillant) et le contenu rédactionnel est placé sous la responsabilité technique du chef de la section caprine (J-C Le Jaouen).

Le premier numéro nouvelle formule paraît en mars-avril 1974(n° 81) avec une maquette rénovée, changement de format et nouvelles rubriques. Désormais les ingénieurs et techniciens de l’ITOVIC assureront la plupart des articles techniques. Pour l’Institut la revue est l’outil de diffusion écrite privilégié vers les éleveurs (avec les brochures et les livres), raccourcissant les délais de diffusion des connaissances et s’intégrant dans ce qui s’appelait,à l’époque, la chaîne de progrès associant la recherche fondamentale et appliquée avec le développement.

Cette période est celle du développement rapide des élevages caprins spécialisés dont la taille s’agrandit générant une forte demande de besoins en techniques d’élevage et de transformation fromagère. C’est aussi le temps des retours à la terre, de la mise en place des centres de formation pour adultes,de la structuration de la profession avec la création de l’UPRA caprine et de l’interprofession lait de chèvre.

Les thèmes des articles reflètent les évolutions techniques : systèmes d’élevage, fourrages verts, déshydratés, ensilages, concentrés,les premiers manèges de traite,l’utilisation des parcours,les gros genoux, le déssaisonnement par la lumière et la mélatonine,la notation corporelle,sans oublier la première crise de surproduction du lait en 1981 et ses conséquences.

Le besoin d’information sur ce qui se passe au-delà des frontières dans le secteur caprin est traité désormais :Espagne, Pays-Bas, Brésil, Israel,etc.

C’est aussi à cette époque que les premières pages de conjoncture apparaissent (collecte et prix du lait,situation des marchés) et que des collaborations régulières sont instituées avec le dessinateur Alain Chrétien ou Jean-Noël Passal et sa rubrique Histoire de chèvre qui seront des marqueurs d’identité de la revue.

De cette période datent également les premiers numéros spéciaux sur des thèmes comme la pathologie, l’installation, les fourrages,la composition du lait à l’occasion de la mise en place du paiement à la qualité du lait de chèvre.

La fin des années 80 sera marquée par une période d’incertitudes liées aux difficultés financières de l’ITOVIC qui conduiront, en octobre 1991, à la fusion avec l’Institut Technique de l’Elevage Bovin et à la création de l’Institut de l’Elevage. La gestion des revues en sera affectée, des dérives dans le contenu rédactionnel se traduiront par la perte de près de mille abonnés pour La Chèvre.

Finalement, sous la pression des professionnels ovins et caprins, il est décidé le maintien de la SPEOC et de ses deux revues Pâtre et La Chèvre. Dès 1989 des négociations sont engagées avec le groupe de presse Réussir qui aboutiront à lui confier la régie publicitaire puis,en 1992,à la signature d’une convention tripartite déléguant à Réussir des fonctions administratives et techniques auparavant assurées par la SPEOC. En octobre 1992, J-C Le Jaouen est nommé rédacteur en chef avec pour mission de redresser la situation de la revue.

1993-2008 - Redressement et stabilisation

La réorganisation du fonctionnement se traduit concrètement par la publication du n°194 de janvier-février1993 avec une maquette et un contenu totalement rénové. L’objectif est alors, en partenariat avec Réussir, de stabiliser le nombre d’abonnés tombé à 3600(4800 à la fin des années 80) et de développer les recettes publicitaires dans un contexte devenu morose. L’équilibre financier est impératif dans la mesure où la revue ne peut espérer aucune subvention en cas de déficit.

Le redressement obtenu s’est accompagné de la mise en œuvre d’ une politique éditoriale visant à mieux couvrir l’actualité technique et économique,tout en diversifiant les partenariats rédactionnels afin d’être en phase avec les évolutions de plus en plus rapides du secteur caprin et de son contexte socio-économique.

Ces principes continuent d’être appliqués depuis une quinzaine d’années avec un certain succès dans la mesure où, en dépit d’une baisse rapide du nombre d’élevages(de 12000 à 5600) le nombre d’abonnés s’est maintenu autour de 3600 jusqu’à aujourd’hui.

La Chèvre continue de jouer son rôle dans un monde qui change

Si l’on considère les périodes successives de la vie de la revue, il se dégage des grandes tendances que l’on peut ainsi résumer :

  • le rôle initial de bulletin syndical entre éleveurs a disparu. Concernant la vie syndicale ne subsistent que de courtes informations sous la forme de brèves ainsi qu’un billet de la FNEC.
  • l’information sur les techniques d’élevage, largement prédominante jusqu’à la fin des années 80, car répondant à une forte demande, occupe une place encore importante mais plus réduite.
  • par contre l’information sur la micro et la macroéconomie a été développée : prix du lait, pages marchés, résultats technico-économiques en lien avec les systèmes d’élevage, entreprises de l’amont et de l’aval, consommation des produits caprins, etc.
  • l’actualité régionale et nationale du secteur est plus largement couverte, annoncée et présentée.
  • l’international dispose désormais d’une rubrique régulièrement alimentée.
  • enfin, grâce à la modernisation permanente des maquettes successives, l’information est désormais mieux structurée et la lisibilité de la revue améliorée.

Ces éléments mis en valeur par Damien Hardy, nouveau rédacteur en chef depuis août 2006, laissent augurer que La Chèvre continuera dans l’avenir à jouer le rôle qui a toujours été le sien au bénéfice des éleveurs caprins français.

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